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Biblio-FR, 29 mars 2000.
© Michel
Fingerhut 2000
Instinctivement, l'exigence d'un
droit sur le prêt me paraît injuste.
Étant tout de même dans un cadre où
l'on prête d'autres documents que des livres, je me demande si l'on ne devrait
pas examiner ce qui s'y pratique.
Parlons donc musique, elle adoucit
les mœurs (ou les humeurs)...
Pour pouvoir prêter des disques
dans un cadre institutionnel, on paie des droits à la Sacem et à la SPRE
(Société pour la perception de la rémunération équitable). Les compositeurs,
éditeurs de musique, musiciens, artistes-interprètes et producteurs de disques
sont donc ainsi rémunérés.
Ailleurs que dans une bibliothèque,
chaque diffusion d'une œuvre, qu'elle soit entendue gratuitement à la radio ou
en musique de fond dans un grand magasin, ou encore dans un concert bénévole ou
payant, nécessite également le paiement de droits.
Le débat sur le droit de prêt du
livre ne fait donc que rejoindre ce qui a déjà été accompli dans un autre
domaine, celui de la musique. Est-ce dû au fait que les « métiers » de
musicien (compositeur, interprète) sont apparus avant celui d'écrivain ou que,
plus nombreux dans la chaîne de production musicale (compositeur, éditeur de la
partition, interprète, éditeur du phonogramme...), ils ont pu se faire entendre
plus tôt ?
Dans ce domaine comme dans celui du
livre, il existe des invendus, des œuvres à diffusion presque
confidentielle... Est-ce à
dire que les parties prenantes dans leur production ne devraient pas être
rémunérées? S'il y en a qui
souhaitent le faire gratuitement, ce n'est pas le fait de tous, et pour certains
c'est leur unique gagne-pain.
Il me semble que le débat n'est pas
là. Comme pour l'éducation ou la santé, qu'on s'accorde devoir être
quasi-gratuites et un droit pour tous, la culture coûte ; la question
principale, à mon avis, ne devrait pas être si on doit payer les auteurs
et éditeurs, mais qui doit les payer. Si, (comme je le pense), la culture
devrait être « plus gratuite » qu'elle ne l'est (voyez les prix
astronomiques de billets pour certaines manifestations culturelles – concerts,
théâtre...), cela voudrait dire que c'est surtout à la collectivité (ou au
mécénat, si ce système fonctionnait réellement en France) de partager ces
charges (via des impôts allant à des subventions) plutôt qu'en coûts directs
(prix du billet ou du droit d'entrée).
Il ne s’agit pas de sombrer dans un
excès contraire, selon lequel toute activité serait soumise à un droit
quelconque, ce qui semble pourtant se profiler pour l’image : celui des
individus dont la photo aurait été prise dans un reportage (faudrait-il payer
tous les participants à une photo de foule d’une manifestation ?), celui de
l’architecte d’un monument apparaissant dans le recoin d’une photo, voire d’un
arbre (à payer aux Parcs et Jardins) .
Le numérique agit comme révélateur
dans ce débat: permettant de répliquer à l'infini et à l'identique, il
court-circuite tous les réseaux de distribution. Il a aussi un coût, bien évidemment,
mais qui va ailleurs qu'à l'auteur et au producteur: celui des logiciels de
reproduction (sauf s'ils sont piratés), du matériel utilisé pour la
numérisation, du site utilisé pour la diffusion (souvent « gratuits »
mais payés par une publicité qui n'a rien à voir avec le produit
diffusé)... Je serais même tenté de
dire que l'utilisation simili-gratuite et souvent pirate de ces technologies
joue (dans ce cas) le jeu des telcos et des transnationales des nouvelles
technologies, et donc du libre-échange et de
l'ultralibéralisme.
L'ennemi du droit de prêt - un
nouvel AMI?
Michel Fingerhut
Directeur de la
Médiathèque
Ircam – Centre Pompidou
Paris